Simplification du contrôle des investissements étrangers en France ne signifie pas allègement du contrôle
Dans le prolongement du vaste programme de simplification du cadre réglementaire applicable aux entreprises, engagé en France depuis 2013, le décret n°2017-932 du 10 mai 2017 portant diverses mesures de simplification pour les entreprises vient alléger les démarches des entreprises étrangères souhaitant investir en France.
Une simplification qui ne doit pas masquer la volonté du gouvernement français de maintenir un contrôle effectif des investissements étrangers réalisés dans des secteurs dits sensibles, essentiel à la garantie des intérêts du pays en matière d’ordre public, de sécurité publique ou de défense nationale.
Faciliter l’implantation des entreprises étrangères :
Avant le 12 mai 2017, date d’entrée en vigueur du décret n°2017-932 du 10 mai 2017, toute entreprise étrangère souhaitant investir en France, était tenue de déposer auprès de la direction générale du trésor une déclaration administrative dès réalisation de l’investissement (articles R 152-4 et R 152-5 du Code monétaire et financier).
Etaient notamment concernées la création d’entreprises par une société de droit étranger, l’acquisition de tout ou partie d’une branche d’activité, la prise de contrôle directe et indirecte dans une entreprise de droit français, mais également la prise de contrôle de fait d’une entreprise de droit français par une entreprise de droit étranger via notamment l’octroi de prêts ou de garanties, l’achat de brevets ou de licences, de contrats commerciaux.
Sous réserve de ne pas tomber sous le coup de la procédure d’autorisation préalable (cf. infra), l’investisseur étranger était alors tenu, une fois l’opération réalisée, de procéder à une déclaration administrative contenant un certain nombre d’informations tenant en particulier à l’investisseur étranger et à ses actionnaires et dirigeants, à l’activité et/ou à l’entreprise objet de l’investissement ainsi qu’à la provenance et au circuit des fonds. Une procédure souvent peu comprise des investisseurs étrangers, d’autant plus que certaines des informations demandées pouvaient déjà avoir été transmises lors de déclarations effectuées auprès d’autres administrations, telles que le centre de formalités des entreprises ou encore la Banque de France.
En effet, lorsqu’elles atteignent plus de 15 millions d’euros, certaines opérations (prise de participation d’au moins 10% ou franchissement de ce seuil dans une entreprise française, investissements immobiliers) doivent également faire l’objet d’une déclaration auprès la Banque de France à des fins statistiques en vue de l’élaboration de la balance des paiements.
Le décret du 10 mai 2017, en abrogeant purement et simplement les articles R 152-4 et R 152-5 du Code monétaire et financier, a désormais supprimé l’obligation de procéder à une déclaration administrative, sauf si l’opération concernée a préalablement fait l’objet d’une autorisation préalable d’investissement étranger en France.
Le maintien du contrôle des investissements dits sensibles ou susceptibles de porter atteinte aux intérêts nationaux :
Depuis le décret n°2003-196 du 7 mars 2003 (et d’un arrêté du même jour), renforcé par le décret n° 2014-479 du 14 mai 2014[1], la France dispose d’un dispositif de contrôle qui soumet à autorisation préalable tout investissement étranger réalisé en France dans des activités essentielles à la garantie des intérêts du pays en matière d’ordre public, de sécurité publique ou de défense nationale.
Il s’agit notamment du secteur de l’approvisionnement en énergie et en eau, les réseaux, services de transport et de communication électroniques, les installations et ouvrages d’importance vitale au sens du code de la défense, la production ou le commerce d’armes et de munitions, le secteur de la santé.
Si les investissements étrangers sont définis différemment selon qu’ils sont réalisés par un investisseur européen ou non ou par une entreprise française contrôlée par une entité étrangère, la procédure d’autorisation est sur la forme identique dès lors que l’opération considérée entre dans le champ de la réglementation.
Dès réception de la demande d’autorisation l’administration dispose d’un délai de 2 mois pour statuer sur la demande. A défaut, l’autorisation est réputée acquise.
En pratique, la procédure d’autorisation préalable permet au Ministre de l’Economie de subordonner son autorisation à certains engagements de la part de l’investisseur, tant sur la conservation des activités ou actifs concernés, que sur le respect des engagements antérieurs à l’égard par exemple des clients ou partenaires. Un bilan périodique des divers engagements souscrits est par la suite effectué par les services compétents de l’Etat.
Un fois l’autorisation délivrée, l’investisseur est ensuite tenu de déclarer à l’administration la bonne réalisation de l’opération concernée.
Avec ce dispositif, la France est dotée d’un cadre juridique efficace, comparable à celui en vigueur dans d’autres pays situés en Europe et hors d’Europe.
Certains pays ont toutefois récemment tenté de faire adopter au sein de l’Union européenne un dispositif plus contraignant en la matière pour des entreprises représentant des intérêts stratégiques.
Vers un renforcement du contrôle des investissements au niveau européen ?
Réunis en Conseil les 22 et 23 juin dernier, les pays membres de l’Union Européenne ont réservé un accueil mitigé à la proposition soutenue par la France, l’Allemagne et l’Italie de donner plus de pouvoirs à la Commission européenne pour contrôler les investissements étrangers susceptibles de porter atteinte aux intérêts stratégiques des pays membres, tant du point de vue économique que de la sécurité.
En marge des enjeux politiques et commerciaux extrêmement sensibles que suscite cette question au sein des pays membres, la mise en place d’un dispositif européen de contrôle des investissements étrangers n’est pas sans poser des difficultés d’ordre juridique et institutionnel.
En effet, en l’état du droit européen (articles 63 et 346 du Traité Fondateur de l’Union Européenne), l’Union européenne n’a pas compétence pour intervenir en matière de protection des intérêts essentiels des états que sont la défense nationale, la sécurité publique et l’ordre public. Par ailleurs, il convient de lever la difficulté attachée à la définition de la notion de « sécurité économique européenne » qui relèverait spécifiquement de la compétence européenne. En effet, certaines opérations peuvent tout à la fois concerner la sécurité publique (qui relève de la compétence des Etats membres) et des intérêts économiques.
Aussi, le Conseil européen a adopté une position prudente dans ses conclusions du 23 juin 2017, saluant « l’initiative de la Commission visant à maîtriser la mondialisation et, entre autres, à analyser les investissements réalisés par des pays tiers dans des secteurs stratégiques, dans le plein respect des compétences des Etats membres. Le Conseil européen reviendra sur cette question au cours d’une de ses futures réunions. ».
Coïncidence du calendrier ou conséquence de ce revers ? l’Allemagne a adopté le 12 juillet un décret renforçant le contrôle des investissements étrangers dans ses entreprises stratégiques en allongeant notamment le délai d’examen des demandes (passé de deux à quatre mois) ainsi que le champ des transactions soumises à autorisation.
[1] Codifiés aux articles L.151-3 et suivants du Code monétaire et financier et R.153-1 et suivants du Code monétaire et financier