Une condition supplémentaire à l’obligation de reclassement de l’employeur face à l’inaptitude de son salarié : cette obligation doit être exécutée avec loyauté !
Par un arrêt du 26 janvier dernier, la Cour de Cassation a précisé que la présomption instituée par l’article L. 1226-12 du code du travail ne joue que si le poste de reclassement proposé au salarié déclaré inapte est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, faisant alors peser une obligation de loyauté sur l’employeur.
Le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est susceptible d’être déclaré inapte par le médecin du travail, lequel formulera ses recommandations de reclassement du salarié sur des postes adaptés à sa nouvelle condition.
L’employeur sera ensuite tenu, suivant l’avis des représentants du personnel, de proposer au salarié des postes disponibles et des plus similaires aux propositions formulées par le médecin du travail, afin de satisfaire son obligation de reclassement. A défaut de poste disponible, l’employeur dispose de la faculté de licencier le salarié inapte ne pouvant être reclassé. Ce dernier percevra naturellement des indemnités de licenciement. Depuis la loi El Khomri de 2016, le licenciement sera justifié dès lors que l’employeur n’aura proposé qu’un seul emploi, refusé par le salarié, contrairement au droit antérieur faisant peser sur l’employeur l’obligation de présenter plusieurs postes disponibles.
A cet effet, l’article L. 1226-10 du code du travail énonce que :
« Lorsque le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. »
L’article L. 1226-12 du code du travail précise en outre que « l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail. »
Cependant, la Cour de cassation ajoute à ces dispositions que « la présomption instituée par ce texte ne joue que si l’employeur a proposé au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités »[1]. Elle reprend ainsi la motivation en appel, laquelle énonçait que « l’employeur n’ayant pas rempli loyalement l’obligation légale de reclassement qui est à sa charge, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse »[2].
En l’espèce, un conducteur d’engin a, après 25 ans d’activité auprès du même employeur, été déclaré inapte par le médecin du travail, lequel préconisait son reclassement en tant que conducteur d’engins moins vibratoires, ou sur des postes administratifs.
Ainsi, l’employeur ayant proposé un emploi administratif à son salarié déclaré inapte, alors qu’un poste de conducteur d’engin adapté à la condition physique du salarié était disponible, n’a pas exécuté son obligation de reclassement de manière loyale.
Pour rappel, la loi El Khomri dispense l’employeur de son obligation de reclassement dans le cas marginal où, suivant l’avis du médecin du travail, « tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi »[3].
[1] Cass. soc., 26 janv. 2022, n° 20-20.369
[2] Cour d’appel de Besançon, 24 janvier 2020, n° 19/00755
[3] Article L. 1226-12 du code du travail