Vers l’application du droit de préemption institué en faveur des communes par la loi n°2005-882 du 2 août 2005
Depuis la loi n°2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (article 58 de la loi, codifié aux articles L. 214-1 à L. 214-3 du Code de l’Urbanisme) les communes bénéficient d’un droit de préemption sur les cessions de fonds de commerce et fonds artisanaux ainsi que sur les cessions des baux commerciaux.
Ce droit de préemption nouveau, qui se distingue du droit de préemption dont les communes bénéficient déjà sur les « murs » des locaux commerciaux, s’appliquera à compter de la publication d’un décret en Conseil d’Etat.
L’objectif affiché de ce dispositif est de donner aux municipalités les moyens d’empêcher les commerces de proximité de péricliter en évitant la concentration d’enseignes franchisées dans les centres-villes.
Il est donc important que tout exploitant d’une activité commerciale ou artisanale sache que la cession de cette activité ou du bail commercial dont il est titulaire pourra, sous certaines conditions et à peine de nullité, être subordonnée à la mise en jeu de ce nouveau droit de préemption urbain.
Or, ce droit de préemption n’est pas sans poser de nombreuses interrogations et difficultés.
C’est pourquoi, depuis déjà plus de 18 mois, praticiens et rédacteurs d’actes juridiques attendent la publication du décret qui doit préciser les conditions d’application de ce nouveau dispositif. Selon certaines sources, un projet a déjà été soumis aux ministères concernés et sa publication serait désormais imminente.
Dans cette perspective, nous avons exposé ci-après les grandes lignes de cette règlementation :
Le droit de préemption urbain institué par la loi n°2005-882 du 2 août 2005 n’a pas vocation à s’appliquer de manière générale.
Dès lors, et afin de pouvoir en bénéficier, les conseils municipaux doivent préalablement avoir délimité un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité au sein de leur commune, aux termes d’une délibération motivée.
Lors de chaque cession, les rédacteurs d’actes de cessions devront veiller à interroger la commune du lieu de la cession sur l’existence d’une délibération du conseil municipal instaurant un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité.
Ainsi, pour toute cession de fonds de commerce, de fonds artisanaux ou de baux commerciaux situés dans ce périmètre, le cédant devra, à peine de nullité de la cession, adresser à la commune concernée une déclaration préalable détaillant le prix ainsi que les conditions de la cession.
La cession ne respectant pas ces formalités pourra être annulée pendant un délai de 5 ans à compter de la date de la cession.
Le silence de la commune pendant le délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration vaut renonciation à l’exercice du droit de préemption et le cédant peut alors réaliser la vente aux prix et conditions figurant dans la déclaration, à l’issue de ce délai.
En cas d’exercice du droit de préemption, la loi précise que dans le délai d’un an à compter de la cession, la commune doit rétrocéder le fonds ou le bail commercial à une entreprise immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers en vue d’une exploitation destinée à préserver la diversité de l’activité commerciale et artisanale dans le périmètre concerné. Concrètement, cela signifie que la commune a un an pour trouver un repreneur, commerçant ou artisan.
Cependant, la loi ne prévoit pas l’hypothèse où la commune ne parviendrait pas à trouver un tel repreneur…
De nombreux praticiens, organisations professionnelles et professionnels du droit ont exprimé leurs craintes sur ce dispositif qui semble, en l’état, se heurter à la réalité économique du monde des affaires.
Il est souvent opposé qu’entre la date d’exercice du droit de préemption par la commune et la rétrocession du fonds à un repreneur potentiel, ledit fonds se sera certainement considérablement dévalorisé.
Par ailleurs, le cédant dans l’attente de la régularisation de la cession n’en percevra pas le prix. Quant au cessionnaire d’origine, il perd une opportunité d’acquérir un fonds ou un bail commercial choisi.
Enfin, les communes devront manier avec précaution l’exercice de ce nouveau droit afin notamment d’anticiper le risque de devoir indemniser le cédant de la perte de tout ou partie de son fonds resté inexploité pendant plusieurs mois, dans l’éventualité où elle n’aurait pas trouvé de repreneur dans les délais.
Si certains ont pu espérer que les dispositions instituant ce nouveau droit de préemption tomberaient dans l’oubli, il semble aujourd’hui confirmé qu’il sera bien mis en place dans les termes du décret d’application attendu.
A suivre donc…